Après avoir connu des années prolifiques, gracieuseté de la pandémie, le marché des véhicules d’occasion tend à reprendre son cours normal d’il y a cinq ans. Ce qui entraîne des réajustements en matière d’approvisionnement… et suscite ces trois questions : comment trouver, en 2024, le bon véhicule ? Au bon moment ? Et surtout au bon prix ?
« Ça prend de solides données et surtout beaucoup de discipline pour assurer un suivi constant des fluctuations des marchés en temps réel », répond d’emblée Philippe Desjardins, PDG et cofondateur de Shopicar, une plateforme qui achète des véhicules d’occasion en ligne partout au Québec.
Le dirigeant de la PME lavalloise parle en connaissance de cause. Depuis les six derniers mois, Shopicar assiste, aux premières loges, au régime minceur que subit la valeur des véhicules d’occasion.
« Selon nos observations, les valeurs fondent de 0,5 % à 1 % par semaine depuis l’automne dernier », avise-t-il.
En fait, selon les données de l’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ), le prix moyen de vente des véhicules d’occasion a chuté de 20 % entre février 2023 et février 2024. En parallèle, les inventaires dans les cours des marchands de véhicules d’occasion membres de l’AMVOQ ont augmenté de 15 %, signale son dirigeant, Steeve De Marchi.
« Même la fièvre du printemps, qui généralement fait grimper les valeurs des véhicules d’occasion de 2 % à 7 % durant les mois de mars et avril, ne se fait pas ressentir », renchérit Sébastien Bisaillon, propriétaire et président d’Automobile en Direct (AED). « C’est du jamais vu depuis que je suis en affaires », affirme le commerçant, qui a fondé AED en 2001.
Le dirigeant de l’entreprise, qui a vendu plus de 9000 véhicules d’occasion à travers le pays en 2023, craint même que ce ne soit que le début d’une situation difficile pour l’industrie. « Je n’ai pas de boule de cristal, mais j’ai l’impression que le marché ne s’améliorera pas en 2024. J’appréhende même quelque chose de majeur pour l’automne prochain », soutient le dirigeant qui vient d’ouvrir une cinquième succursale AED en Outaouais. Les taux d’intérêt élevés et le retour des inventaires chez les concessionnaires contribuent, dit-il, à faire diminuer la valeur des véhicules d’occasion.
La recette Shopicar
En attendant de voir ce qui va se passer, chez Shopicar, on continue d’appliquer la recette qui fait le succès de l’entreprise depuis ses débuts en mars 2021. En plus d’être reconnue pour offrir les meilleurs prix sur le marché, la plateforme achète tous les véhicules qui lui sont proposés. « Que ce soit un bazou ou un véhicule de luxe, nous faisons une offre à tous les clients qui souhaitent nous vendre leur voiture. Et notre offre est généralement plus élevée que ce qu’un concessionnaire va leur soumettre. Par conséquent, nous avons avantage à offrir le plus juste des prix sans nous tromper », explique Philippe Desjardins.
Ce tour de force, qui permet à l’entreprise d’afficher un score d’étoiles Google presque parfait, réside en grande partie sur les données acquises au fil des années qui alimentent le logiciel d’évaluation de Shopicar. Les divers outils d’évaluation des principaux encans (jours d’inventaire, prix demandés…) sont également fortement utilisés, notamment pour les véhicules d’occasion des marques de masse. « Pour les véhicules exotiques de luxe, Shopicar s’assure de trouver un acheteur avant de faire une offre au client », précise le dirigeant de la plateforme, qui cible les 2000 transactions pour l’année 2024, soit le double de la performance réalisée en 2023.
Philippe Desjardins reconnaît que la stratégie d’approvisionnement de Shopicar est l’une des plus difficiles de l’industrie du véhicule d’occasion. Contrairement aux concessionnaires, qui s’approvisionnent auprès de leurs clients (échange de véhicules) et des encans, le succès de sa plateforme repose principalement sur son marketing et ses outils de communication. « Et ça fonctionne », dit-il.
Les rapports Carfax constituent, eux aussi, des outils incontournables pour déterminer les prix sans trop faire d’erreurs. « Ces rapports sont d’autant plus utiles si les véhicules sont originaires d’une autre province que le Québec », avertit M. Desjardins. Le PDG insiste aussi sur l’expertise de sa dizaine de représentants qui couvrent le territoire de la province. « Nos représentants sont formés et bien outillés pour poser plusieurs questions et prendre le temps d’évaluer les véhicules sur le plan esthétique et mécanique. »
Malgré tout, il arrive que l’équipe de Shopicar se trompe.
« En 2023, notre taux d’erreur a été de 7 %. Dans près d’une transaction sur dix, nous reconnaissons avoir payé un véhicule d’occasion plus cher que sa valeur réelle. Qu’à cela ne tienne, on apprend tous les jours de nos erreurs. Et notre taux de réussite devrait dépasser les 95 % en 2024 », soutient le PDG de Shopicar.
Gérer les attentes du client
Toutefois, cette quête de la perfection ne s’effectue pas sans provoquer des frustrations auprès des clients, concède Philippe Desjardins. La gestion des attentes des clients s’avère d’ailleurs le plus grand défi de l’entreprise ces jours-ci, mentionne-t-il.
« En raison de la flambée des prix que nous avons vécue pendant la pandémie, plusieurs consommateurs espèrent toujours vendre leur véhicule à un prix plus élevé. Ils s’attendent à recevoir un prix semblable à ce qu’ils voient sur Marketplace ou encore sur les sites de revente de véhicules d’occasion des concessionnaires et autres marchands. Évidemment, il faut leur expliquer que ces prix annoncés reflètent une mise à niveau des véhicules… et la part de profit des commerçants », avise le dirigeant de Shopicar.
Cet écart de prix, conclut-il, peut varier entre 1000 $ et 3000 $ selon les modèles et l’année des véhicules.