Le projet de loi Véhicules Zéro Émission vient d’être adopté à l’unanimité par les élus québécois. Dès l’année-modèle 2018, les constructeurs automobiles devront vendre une cible croissante de voitures électriques ou d’hybrides rechargeables dans la Belle Province.
Le 26 octobre dernier, par un mercredi après-midi froid et pluvieux d’automne, la colline parlementaire a connu un moment historique: la Belle Province y est devenue la première au Canada à adopter, à l’unanimité s’il vous plaît, un projet de loi dite VZÉ – pour Véhicules Zéro Émission.
Rappelons toutefois que le Québec n’est pas seul à se targuer de pareille loi en Amérique du Nord: une dizaine d’états américains ont déjà leur loi VZÉ – à commencer par la Californie depuis 1990.
Prochaine étape? Le dépôt d’une proposition de règlement énumérant les détails financiers, proposition qui ira en consultations publiques (pendant 45 jours).
Puis, dès l’année-modèle 2018, le système de redevances et de crédits échangeables, un peu comme pour un marché du carbone, forcera les constructeurs qui vendent annuellement plus de 4500 véhicules neufs au Québec à y respecter une cible (croissante) de VZÉ.
Électriques, rechargeables, à l’hydrogène… ou autre
Ils pourront le faire avec des véhicules électriques, des hybrides rechargeables, mais aussi, éventuellement, des voitures à l’hydrogène et même celles propulsées «par un autre mode qui n’émet aucun polluant».
En précisant que les batteries doivent être rechargeables «au moyen d’une source externe au véhicule», le gouvernement exclut les hybrides.
Chaque constructeur verra sa cible calculée d’après le nombre total de véhicules qu’il vend au Québec. Plus un VZÉ aura d’autonomie, plus il rapportera de crédits à son constructeur et… moins celui-ci devra en vendre.
Si la cible de 3,5% s’avère pour 2018, le Québec devra vendre cinq fois plus de véhicules Zéro Émission qu’il ne l’a fait l’an dernier.
Depuis qu’il a déposé son projet de loi 104, au printemps dernier, le ministre québécois de l’Environnement (et du Développement durable et de Lutte contre les changements climatiques), David Heurtel, a répété que la proportion de ces ventes «vertes» serait de 3,5% durant la première année-modèle d’application, soit en 2018.
C’est un point de pourcentage de moins que ce qu’entend exiger la Californie, cette année-là.
Ce chiffre n’est pas lancé au hasard: il reflète les intentions provinciales d’en arriver à 100 000 VZÉ immatriculés au Québec d’ici la fin de l’actuelle décennie, puis à un million d’unités en 2030.
Voilà qui passe, estime le gouvernement, par des cibles de:
– 6,9% pour 2020 (elle sera alors de 9,5% en Californie);
– et de 15,5% pour 2025 (elle sera alors de 22% en Californie).
Cibles ambitieuses
En 2015, il s’est vendu 3325 véhicules électriques et rechargeables au Québec – soit 0,7% de tous les véhicules neufs vendus. Pour rejoindre la marque de 3,5% en 2018, il faudra en écouler, cette année-là, au minimum cinq fois plus.
Pour que 15,5% des ventes annuelles de véhicules neufs dans la Belle Province soient Zéro Émission en 2025, il faudra y céder au minimum 70 000 voitures électriques par année – soit 20 fois plus qu’actuellement.
Surprise: quatre années en banque
Cela dit, la loi entend tenir compte des VZÉ déjà vendus des années-modèles 2014, 2015, 2016 et 2017.
Fait à remarquer: 2014 et 2015 ont rajoutées après les consultations publiques de cet été.
Certains constructeurs ont donc des crédits en banque qu’ils pourront reporter pour des années subséquentes, bien que le gouvernement se réserve le droit d’en limiter le nombre.
Autre surprise: les véhicules Zéro Émission usagés et provenant d’ailleurs permettront aux constructeurs d’accumuler des crédits.
Saviez-vous que…
… même si la norme californienne est souvent citée comme un exemple environnemental, elle a été revue à six reprises depuis ses débuts dans les années 1990, parce que les premières cibles, puis les suivantes n’avaient pas été atteintes.
Récolter des crédits québécois avec les véhicules usagés Zéro Émission d’ailleurs? La version finale du projet de loi 104 livre cet amendement surprise.
Alors que le projet de loi initial n’en faisait aucunement mention, celui adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le 26 octobre, ouvre la porte à la possibilité que les constructeurs puisse récolter des crédits pour les «véhicules remis en état par (eux) et immatriculés pour la première fois au Québec».
Attention: ne pas confondre ces crédits avec les rabais provinciaux offerts aux consommateurs à l’achat (ou la location) d’un véhicule électrique.
Deux fois plutôt qu’une, le communiqué officiel émanant du cabinet du ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel, souligne un accueil favorable envers les VZÉ qui seront, croit-on, importés des autres provinces canadiennes ou des États-Unis.
Une condition, toutefois: ces véhicules ne devront jamais avoir été immatriculés sur le territoire québécois.
Le but de cette mesure de dernière heure: «Permettre d’offrir des véhicules à moindre coût, donnant à toutes les Québécoises et à tous les Québécois, notamment aux ménages à plus faibles revenus, l’occasion de participer au verdissement du parc automobile québécois (…).»
On attend le dévoilement, par un règlement prochain, des conditions entre autres à l’égard des années-modèles visées et de l’importance en crédits que ces VZÉ d’occasion accorderont aux constructeurs.
Déjà, on peut estimer qu’avec les actuels rabais provinciaux pouvant atteindre 8000$ à l’achat de voitures électriques neuves, la mesure «usagée» devra comporter un certain niveau d’incitatifs, afin d’être alléchante envers les acheteurs intéressés mais moins fortunés.
Loi Véhicules Zéro Émission: ce qu’on sait – ou pas…
Combien de crédits pour une voiture électrique? Combien pour une hybride branchée? À quelle hauteur, les redevances? Voici ce qu’on sait – et ce qu’on ignore encore de la loi Véhicules Zéro Émission.
Dès le départ, le projet de loi pour «l’augmentation du nombre de véhicules automobiles zéro émission au Québec, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants» – la loi Véhicules Zéro Émission (VZÉ) pour faire court – a tracé une ligne:
– 4500 véhicules vendus par année au Québec (pendant trois années consécutives).
Les constructeurs qui ne totalisent pas ce total de ventes annuelles se comptent sur les doigts d’une seule main – Porsche, Volvo, Jaguar/Land Rover et Tesla – et ils seront donc affranchis de l’obligation. Ils pourront toutefois participer volontairement au programme; on se doute bien que Tesla voudra en être pour capitaliser sur sa flotte entièrement électrique.
Les constructeurs écoulant 4500 véhicules par année et plus devront, eux, respecter la loi VZÉ, dans un système de crédits et de redevances qui sera déterminé selon des «paramètres, règles de calcul, conditions et modalités de paiement» fixés par le gouvernement.
Mais…
– Ces crédits, on ne sait toujours pas combien ils vaudront, sur le marché québécois. Notez qu’à date, l’échange et/ou la vente de ces crédits avec d’autres états américains ne semble pas envisagés.
– On ne sait pas non plus combien de crédits vaudra telle ou telle technologie, telle ou telle puissance de batteries. Il faudra aussi voir combien de crédits récolteront ces VZÉ d’occasion venus d’ailleurs.
– Sans ces précisions, on ne peut pas même déterminer quels (ou si des) constructeurs seront en mesure de respecter la loi VZÉ.
– On ignore par ailleurs à quelle hauteur seront les redevances. Une chose est néanmoins sûre: ces redevances seront versées au Fonds vert provincial. Celui-là même qui, l’été dernier, était – à nouveau – tant critiqué.
Ce qu’ils ont dit sur la loi québécoise des VZÉ
Le Québec se trompe de cible, il vient miner les efforts des dernières années, pareilles visées agressives seraient possibles, mais pour l’ensemble du Canada… Voici ce qu’ont dit les intervenants de l’industrie sur la loi Véhicules Zéro Émission.
«Le Québec se trompe de cible en concentrant ses énergies – et ses pénalités vers les constructeurs, parce que ceux-ci n’ont aucun contrôle sur ce que les consommateurs choisissent d’acheter, une fois dans la salle de montre.»
Mark Nantais, président de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (GM, Ford et FCA)
«La loi Zéro Émission (…) viendra miner les efforts au lieu de soutenir les politiques qui ont fait du Québec un chef de file dans la vente de véhicules électriques au Canada. L’expérience démontre que les ratios obligatoires de vente ne fonctionnent pas dans d’autre pays; le Québec fait déjà mieux que les juridictions qui ont des lois Zéro Émission dans les états du nord-est des États-Unis».
Déclaration commune de la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec (CCAQ), de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV) et des Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada (CMAC).
«Un million de VZÉ immatriculés d’ici 2030? Pareilles cibles sont agressives, mais elles seraient possibles… pour l’ensemble du Canada. Pour que le Québec atteigne à lui seul ces objectifs, il faudra que ses automobilistes achètent des hybrides rechargeables et des véhicules électriques 20 fois plus qu’actuellement.»
Dennis Desrosiers, président de Desrosiers Automotive Consultants – et grand manitou de la statistique automobile au Canada.
SI BESOIN, ICI ET LÀ
Saviez-vous que…
… les véhicules électriques ET d’hybrides rechargeables n’ont représenté en 2015 qu’un tout petit 1% des 80 millions de véhicules neufs vendus aux quatre coins de la planète?
… bien qu’elles aient été presque deux fois plus populaires au Québec, per capita conducteur, que dans toutes les autres provinces canadiennes, les voitures électriques ont représenté l’an dernier moins de 1% du marché québécois de la vente d’automobiles neuves.
… à la fin d’août (2016), le Québec comptait sur ses routes 11 619 véhicules électriques et hybrides rechargeables – soit 0,3% de tout son parc de véhicules de tourisme. Merci en partie à la seconde génération de Chevrolet Volt, c’est près de 2500 plus de VZÉ qu’en mars 2016. (Données de la SAAQ)