Dans sa lutte contre l’obsolescence programmée, Québec vient d’enchâsser de nouvelles dispositions dans sa Loi sur la protection du consommateur et plusieurs concernent l’automobile, notamment le droit à la réparation et – surtout – la première mesure anti-citron du Canada.
En vigueur depuis le 5 octobre dernier, cette disposition québécoise contre les «véhicules gravement défectueux» est particulièrement généreuse par rapport aux Lemon Laws qui existent aux États-Unis (pour de plus amples détails, lisez-nous dans AutoMedia.ca).
Voici ce qu’en disent les principaux acteurs de l’industrie automobile qu’Auto Média a interviewés après l’adoption du projet de loi #29 – à l’unanimité – par l’Assemblée nationale du Québec, au début d’octobre.
Note: la Loi anti-citron est en force depuis le 5 octobre dernier (2023); la mesure sur le Droit à la réparation entrera en vigueur en octobre 2025.
Ian P. Sam Yue Chi, PDG de la CCAQ
Sur le droit à la réparation: Pour nous, ce n’est pas une révolution; le droit à la réparation est déjà prévu dans l’entente CASIS. Cela dit, nous sommes heureux que Québec nous ait écoutés en n’obligeant pas l’accès gratuit aux informations automobiles. Là où l’on est déçu, c’est que la loi (québécoise) est muette sur une exclusion de partage des données personnelles et de sécurité du véhicule. Ces données télématiques, même nous, les concessionnaires, n’y avons pas accès!
(Canadian Automotive Service Information Standard).
Sur la Loi anti-citron: Nous ne sommes pas contre une Loi anti-citron et nous apprécions que le gouvernement nous ait écoutés en amendant la disposition des «30 jours». (NDLR: Les jours «hors d’usage» ne sont pas comptabilisés lorsque preuve est faite d’une pénurie de pièces et qu’une voiture de courtoisie est offerte au client). De la sorte, on ne crée pas des citrons qui n’en sont pas. Mais il faut que l’information «Véhicule Gravement Défectueux» puisse être facilement repérable d’un propriétaire à l’autre – avec un registre des VDG, par exemple.»
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George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA)
Sur la loi anti-citron: La Loi sur la protection du consommateur (LPC) contenait déjà d’excellents recours qui prévoient le retour des biens défectueux en contrepartie d’un remboursement. Cependant, les constructeurs d’autos ne respectent pas ces recours sans que les consommateurs déposent une action en justice. Et peu de gens le font, à cause des coûts et des délais. L’APA est d’avis que la définition d’un «citron» ajoutée à la LPC ne changera pas trop les choses si le consommateur est systématiquement obligé de déposer une demande d’action pour faire respecter ses droits. Par contre, cela va beaucoup faciliter la preuve devant le tribunal, en exigeant un cumulatif des visites ou de journées hors d’usage plutôt qu’une preuve d’expert.
Sur le droit à la réparabilité: Le projet de loi 29 (sur l’obsolescence programmée) figure parmi les plus importantes mises à jour de la Loi sur la protection du consommateur depuis l’adoption de la loi actuelle en 1978. Cela dit, dans le secteur de l’automobile, il y a déjà un standard très bien implanté pour le diagnostic, par l’entremise du port OBD II. Idéalement, les règlements (encore à être) adoptés par Québec s’appuieront sur les régimes déjà en place et qui fonctionnent assez bien dans l’ensemble. De cette manière, le gouvernement aura assuré la pérennité de l’accès aux données quand les véhicules n’auront plus de port OBD II – et donnera un peu de dents à l’entente volontaire CASIS.
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David Adams, président des Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada
«La Loi anti-citron viendra aider les juges à déclarer plus facilement un véhicule «citron», mais les Québécois devront quand même aller devant les tribunaux – et c’est là l’un des défis des nouvelles dispositions. Par ailleurs, bien des détails restent à ficeler par réglementation. Certes, le projet de loi #29 vient rehausser la protection des consommateurs, mais cela s’inscrit dans un contexte d’affaires de plus en plus «challenging» pour les constructeurs.»
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Association des industries automobiles du Canada (AIA Canada)
Sur le Droit à la réparation: «En reconnaissant aux Québécois le droit de faire entretenir et réparer leur véhicule par l’intervenant de leur choix, et donc en préservant le modèle ayant longtemps prévalu en matière d’entretien et de réparation automobile au Québec, on vient également garantir le maintien d’une offre de service essentielle dans les régions plus éloignées.»
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Association des marchands des véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ)
Sur la Loi anti-citron: «Il faudrait prévoir un mécanisme permettant de retirer la déclaration «citron» dans le cas où le problème serait corrigé de manière permanente. (…) Et quelles sont les obligations du constructeur une fois qu’un véhicule est déclaré gravement défectueux? Qu’en est-il des véhicules qui proviennent d’autres provinces?»