Près de 30 transactions de concessions au Québec en 2024, la tendance va-t-elle se maintenir en 2025 ?

Au Québec, ce sont près d’une trentaine de concessions automobiles qui ont changé de main en 2024, dont plus des deux tiers (67 %) au cours des six derniers mois de l’année. Qu’est-ce que nous réserve l’année 2025 ?
« L’an dernier, nous avons constaté 28 transactions de concessions automobiles au Québec, dont 19 dans la seconde moitié de l’année. Ce volume reflète une stabilité relative par rapport aux années précédentes », indique Ian P. Sam Yue Chi, président-directeur général de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec. Il précise que, bon an mal an, ce sont entre 20 et 30 concessions automobiles qui changent de propriétaire.
Néanmoins, le dirigeant de la CCAQ note que ces transactions se produisent davantage entre concessionnaires déjà établis.
Selon Étienne Demeules, directeur financier à l’agence de fusion et d’acquisition DSMA, le marché des transactions de concessions automobiles est actuellement marqué par une forte consolidation, et ce, partout au pays. « Les acheteurs sont essentiellement des groupes ou des concessionnaires qui souhaitent prendre de l’expansion afin de réaliser de meilleures économies d’échelle », explique-t-il.
Bien que les groupes de concessions soient les plus actifs sur le marché, il y a de nouveaux acheteurs qui cherchent à acquérir leur première concession, observe Sylvie Gagnon, directrice des ventes, Québec, à l’agence de fusion et d’acquisition Templeton Marsh.
« Nous voyons aussi de plus en plus de concessionnaires uniques à la recherche d’une deuxième ou d’une troisième concession afin de faire évoluer leurs opérations », dit-elle.
Des enjeux qui font vendre
Étienne Demeules ne cache pas que certains enjeux en ont sans doute motivé plusieurs à vendre. « L’année 2024 a été plus difficile pour quelques concessionnaires », soutient le gestionnaire de DSMA. Certaines marques ont vécu un dur retour à la réalité. Bien que la plupart des concessions automobiles aient connu une bonne profitabilité pendant la pandémie (bien supérieure à celle d’avant la pandémie, fait-il remarquer), les taux d’intérêt plus élevés, l’augmentation du prix des véhicules et la rareté de la main-d’œuvre ont ébranlé certains commerces. Des marques, comme celles du groupe Stellantis, ont traversé des périodes plus laborieuses. Cependant, d’autres marques ont vu leur valeur augmenter ou se maintenir, notamment Kia, Hyundai et Toyota », dit-il.
L’âge moyen élevé
Autre facteur qui influence les transactions : l’âge moyen des concessionnaires, qui avoisine, ces temps-ci, 71 ans. « La plupart des vendeurs prennent leur retraite. À ce propos, on assiste à moins de reprises familiales ou d’achat de la part des employés. Les concessionnaires vendeurs souhaitent la pérennité de leur commerce… et réaliser un bon profit. Ce qui explique qu’une grande majorité des transactions impliquent des acheteurs externes », note l’associé de DSMA.
De l’avis de Sylvie Gagnon, plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi les enfants des concessionnaires automobiles sont moins intéressés à reprendre l’entreprise familiale que les générations précédentes.
Elle cite notamment le coût d’acquisition élevé, les défis liés aux ressources humaines, l’incertitude de l’industrie et les critères de plus en plus élevés des constructeurs. « Tous ces éléments influencent l’orientation de la planification de la relève de la famille au profit de parties tierces », expose-t-elle.
La représentante de Templeton Marsh soulève également l’intérêt de la part de groupes de l’extérieur de la province et de l’extérieur du Canada qui vient brasser les cartes. Elle soutient que la langue française n’est plus un obstacle, que ces groupes s’entourent de gestionnaires locaux d’expérience. « Le Québec représente un marché intéressant, considérant, entre autres, le prix de l’immobilier comparativement aux autres provinces canadiennes », ajoute-t-elle.
De 11 à 13 M$
Parlant de prix, le prix moyen de vente d’une concession au Canada (incluant le bâtiment, le terrain et le goodwill) se situait entre 11 M$ et 13 M$ en 2024, nous indique Étienne Demeules, de DSMA. Une moyenne qui devrait se maintenir en 2025. La taille de la concession, la localisation, y compris la marque, figurent parmi les facteurs qui influencent la valeur. Étienne Demeules cite en exemple les concessions Mitsubishi, dont la valeur du multiple des profits est généralement plus élevée au Québec qu’ailleurs au pays.
Complexité des transactions
« Peu importe le nombre de transactions que nous réserve 2025, chacune restera unique et présentera ses défis », avance Sylvie Gagnon.
Chaque étape du processus, de la lettre d’intention à la clôture, exige que plusieurs parties collaborent pour qu’une transaction se déroule bien. Les avocats, les comptables, les constructeurs et les institutions financières ont tous des exigences et des objectifs uniques afin de clore une transaction.
« La vente d’une entreprise implique plus qu’un acheteur et un vendeur. Une problématique ou un retard dans une des étapes du processus peut perturber le timing d’une transaction, repousser sa date de clôture et rendre le tout beaucoup plus complexe », souligne Mme Gagnon.
Il y a également tout l’aspect humain qu’il ne faut pas négliger. Les employés et les consommateurs font aussi partie de l’équation.
« Ceux qui croient que ce type de transaction s’effectue en moins de 30 jours rêvent en couleurs », soutient d’ailleurs un autre expert qui préfère taire son nom.
Étienne Demeules s’attend à ce que le marché transactionnel ressemble à celui de 2024. « Quoique la baisse du taux directeur de la Banque du Canada pourrait inciter certains concessionnaires à augmenter leurs offres d’achat », signale-t-il.
Il se pourrait aussi que les aléas de l’économie, par exemple la menace des tarifs douaniers américains, représentent une couche additionnelle de défis qui encourageront certains concessionnaires à passer le flambeau.
« Les bénéfices records observés pendant la pandémie sont officiellement terminés et ces chiffres sont de plus en plus exclus de l’analyse des bénéfices des acheteurs », avise Sylvie Gagnon. Les concessionnaires qui ont choisi de retarder la vente, tout en profitant de ces bénéfices records, doivent maintenant prendre d’importantes décisions, considérant l’incertitude économique relative aux tarifs américains et la façon dont cela pourrait toucher l’industrie automobile au Canada.
Autre élément qui pourrait influencer le marché des transactions en 2025 : la fin des incitatifs gouvernementaux et la persistance des pénalités liées aux objectifs de la norme VZE, tient à signaler Ian P. Sam Yue Chi, PDG de la CCAQ.
Enfin, ce ne sont pas les premières incertitudes auxquelles feront face les concessionnaires, renchérit Sylvie Gagnon. Mais ces derniers, maintient-elle, ont toujours fait preuve d’une résilience incroyable et savent reconnaître les opportunités à travers ces défis.
Un dossier à suivre. Partager