Il y a 22 ans, alors qu’un véhicule électrique relevait quasiment de la science-fiction, à la fois aux yeux des consommateurs et à ceux des vendeurs, il était presque normal de rencontrer une connaissance marginale réservée aux nerds. Dix ans plus tard, seuls les passionnés autodidactes à l’âme écologique, forts d’une recherche intensive sur cette nouvelle technologie, se lançaient dans l’aventure.
Il y a à peine cinq ans, dans un sondage effectué par Mobilité électrique Canada, il avait été déterminé que les sources d’information les plus utiles sur les VÉ avant l’achat/location demeuraient les autres propriétaires de VÉ, les associations de conducteurs de VÉ et les blogues.
Aujourd’hui, de nouveaux consommateurs entrent en jeu et cette clientèle a un besoin criant d’informations. Malheureusement, la quantité et la qualité de cette information continuent d’être déficientes selon plusieurs experts.
Les formations: De sérieuses lacunes
« Lorsqu’elles existent et sont données aux vendeurs, les formations sont insuffisantes ». C’est l’avis de Daniel Breton, président-directeur général de Mobilité électrique Canada, auteur, formateur et fervent défenseur des VÉ depuis la nuit des temps. D’ailleurs, Daniel dessine un parallèle entre les VÉ et les voiliers !
Avant de quitter le port, le navigateur en herbe se doit de posséder un minimum de connaissances, ainsi va la vie pour les propriétaires de VÉ. Dans son dernier ouvrage*, l’auteur Breton commence par un lexique des termes associés à l’électromobilité, un premier pas incontournable si on veut y comprendre quelque chose ! Les pages suivantes éclaireraient fort bien un vendeur ayant une bonne éthique de travail !
Par ailleurs, le vendeur de VÉ de 2021 doit être en mesure d’évaluer le coût total de propriété. Cet exercice contre-intuitif qui va à l’encontre des formes de ventes actuelles rassemble pourtant les arguments par excellence. Si les électriques semblent en général plus chères à l’achat qu’un véhicule traditionnel – sans compter les subventions accordées par les deux paliers de gouvernement –, pour faciliter la vente, le vendeur averti expliquera les économies de carburant et des frais de maintien du véhicule. En revanche, il devra également évaluer les coûts de recharge pour son client en fonction de ses besoins, discuter de la vie et de la garantie des batteries, etc.
Enfin, autant pour le concessionnaire que pour ses vendeurs, l’opportunité d’investir dans l’expertise de vente de VÉ est considérable. « Si on pense qu’actuellement, plus de 100 000 VÉ sillonnent les routes du Québec** », dans quelques années, estime Daniel Breton, ce nombre sera multiplié par 14 afin d’atteindre l’objectif du gouvernement; un potentiel que tout concessionnaire ne peut se permettre d’ignorer !
Les vendeurs disent n’importe quoi !
La dernière formation touchant un VÉ chez GM remonte à 2018. Selon Yannic Asselin, conseiller principal pour les véhicules électriques chez Bourgeois Chevrolet Buick GMC, ces courtes séances de 10 à 30 minutes, généralement virtuelles, sont nettement incomplètes. Il se trouve bien sûr des formations adressées aux techniciens, mais rarement données aux vendeurs.
De plus, ces formations visent un modèle particulier passant outre les spécificités d’un VÉ et les connaissances générales pour mieux comprendre la bête. Encore trop souvent, afin de dissimuler leur manque de connaissances, « les vendeurs disent n’importe quoi », souligne Yannic Asselin, plutôt que d’aller chercher l’information pour éventuellement la partager à leurs clients. En plus de ce manque de formation, la faible rétention du personnel et la pandémie ont aggravé le problème.
N’eût été sa propre éthique de travail et la volonté de ses patrons de livrer une information juste et complète, Yannic Asselin ne se serait pas hissé au rang des meilleurs vendeurs de VÉ au Québec. Pour lui, une bonne formation comprend des notions de base transmises en personne à tout le personnel, des propriétaires aux gérants en passant par les techniciens, les vendeurs et les directeurs financiers.
« Si un vendeur désire une longue carrière chez GM, le pas vers l’électrique va être inévitable ! » – Philippe-André Bisson, directeur des communications chez GM Canada
Et les vendeurs veulent-ils vraiment vendre du VÉ ?
Avec 30 nouveaux VÉ d’ici 2025, « l’avenir chez GM est 100 % électrique », lance Philippe-André Bisson, directeur des communications chez GM Canada.
Actuellement, GM fonctionne un peu à deux vitesses. Près des grands centres, la majorité des vendeurs possèdent suffisamment de connaissances pour vendre un VÉ. En région, surnommés « VE Helper », un à deux vendeurs par concession (exception faite de Bourgeois et de certains autres) reçoivent les clients intéressés par un VÉ, clients qui sont typiquement moins nombreux que dans les grands centres urbains.
La plupart des formations, par groupes de six à huit personnes, ont lieu au Centre de formation GM situé dans le Centre de pièces et service du siège social à Montréal. « Depuis deux ans, l’engouement est plus fort et une saine compétition s’est même installée entre concessionnaires », fait remarquer Philippe-André Bisson.
En plus de ces formations, GM conduit des événements où certains cours sont offerts. Le prochain, Tout le monde dans un VÉ, est prévu le 29 juillet 2021.
Toutefois, de toutes les personnes qui disent souhaiter se procurer un VÉ, seulement une sur cinq en fera véritablement son prochain véhicule. Toujours selon Philippe-André Bisson, ni la formation des vendeurs ni la disponibilité des voitures ne sont en cause chez GM. Lorsqu’un client se présente en concession, le coût initial d’un VÉ est le facteur qui fait basculer son choix vers un véhicule traditionnel. C’est pourquoi GM entend offrir, en 2023, sa Bolt à un prix très semblable à celui d’une Civic.
Pour le concessionnaire, l’intérêt devrait également augmenter avec une marge de profit censée s’accroître significativement dès 2024.
Dès lors, avec une offre majoritairement électrique, des prix compétitifs et des marges de profit alléchantes, les vendeurs GM n’auront d’autres choix que de bien vendre leurs électriques.
Adapter les formations des techniciens de service aux vendeurs
Bien des formations sont conçues pour les techniciens de service. C’est le cas également au CSMO-Auto où un programme subventionné, Compétence VÉ, peut être suivi par des mécaniciens. Toutefois, sous-subventionnée et dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre depuis de nombreuses années, l’industrie se trouve constamment en mode rattrapage.
Autre facteur inquiétant, la main-d’œuvre a peine à satisfaire aux exigences des cours. Les personnes qui participent à la formation démontrent des difficultés à suivre le module Électricité entre autres.
Toujours au CSMO-Auto, d’autres formations, telle Conseil@uto, touchent l’aspect financier, mais n’incluent pas un volet électrique. Ce dernier sera intégré lors de la prochaine refonte de cette formation.
Pris au sérieux
« Il est certain qu’avec la fin de la vente des véhicules neufs à essence d’ici 2035, on ne peut plus repousser l’inévitable », admet Simon-Pierre Rioux, président de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVÉQ). Malgré tout, la formation reste marginale et le simple fait qu’elle ne soit pas obligatoire (en général) retarde la connaissance.
Même en 2021, en région, l’écoute demeure mauvaise et certains conseillers de l’organisme sont encore ridiculisés ! Pour Simon-Pierre, les mentalités changeront lorsque des véhicules plus puissants répondant mieux aux besoins d’une clientèle éloignée feront leur entrée sur le marché.
Les cours de la CCAQ
En 2018, plusieurs formations étaient proposées aux membres de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), dont Formation spécialisée véhicules hybrides/électriques, une formation à temps partiel organisée par l’École des métiers de l’équipement motorisé de Montréal portant sur l’entretien, la réparation et le service de façon sécuritaire.
À l’époque, d’autres formations, en deux niveaux cette fois, avaient pour sujet les véhicules hybrides et électriques. Ces formations de deux jours (14 heures), offertes par le C.F.P. Wilbrod Bherer, permettaient d’acquérir une bonne connaissance du fonctionnement des véhicules hybrides et électriques.
Alors, quoi savoir ?
Voici, tirée des avis de nos experts, une liste très concise des notions de base que tout vendeur de VÉ devrait connaître. La recharge − le nerf de la guerre − pose LA fameuse question : « Ça prend combien de temps à recharger ? », et c’est sans doute celle à laquelle il faut répondre. Pour le faire correctement, la connaissance et la compréhension de notions de base en électricité sont essentielles. Tout le monde sait comment faire le plein d’une voiture à carburant, mais seulement 1 % des vendeurs formés par Daniel Breton savaient comment et où recharger leur VÉ !
En plus des quelques formations de la part des constructeurs, des programmes des centres de formation adressés aux techniciens de service, une visite sur le site de l’AVÉQ peut s’avérer très précieuse : entre autres, l’Outil de calcul d’économies et les informations relatives aux bornes de recharge représentent des atouts pour tout vendeur.
Vente de VÉ 101
- Connaissance du circuit des bornes de recharge autour de la concession – lors d’un essai, une démonstration sur la recharge mettra le client en confiance.
- Le type de connecteur propre à chaque véhicule hybride ou 100 % électrique (SHAdeMO, SAEcombo, etc.).
- La vitesse de recharge selon le type de borne : type 1 : prise murale standard; type 2 : 7 kW 240V, type 3 : charge rapide 50 kW ou très rapide, jusqu’à 100 kW; Supercharger, chez Tesla seulement.
- La capacité de charge : nombre d’ampérages lors de la connexion − les bornes rapides ou très rapides ne chargeront pas nécessairement à leur pleine capacité, refus de recharge, etc.
- Évaluation de l’autonomie réelle − qui dépend de nombreux facteurs : température des batteries, température extérieure, vent, état de la chaussée, chargement (poids) du véhicule, etc.
- Programmes incitatifs du gouvernement (subventions).
Adresses utiles
Notes
* L’Auto électrique : Le guide complet pour tout savoir sur la voiture électrique, hybride ou écoénergétique, par Daniel Breton, publié en mars 2018
** Selon l’AVÉQ, 102 566 VÉ sillonnaient les routes du Québec au 30 avril 2021