Ainsi pense Antoine : Brouillard total

Septembre, octobre, novembre. Tout se déroulait à merveille pour les concessionnaires ayant au catalogue un ou plusieurs modèles de VÉ admissibles aux crédits. Les ventes allaient bon train, l’inventaire était généreux et le soutien constructeur était finalement au rendez-vous. Certes, on perdait quelques ventes de modèles à essence qui, eux, se faisaient parfois plus rares, mais au final, les chiffres comme les revenus étaient bons. Même si les gens avaient un peu moins le cœur au magasinage automobile, décembre avait également débuté du bon pied, les consommateurs étant conscients d’une baisse programmée des crédits provinciaux, qui devaient passer d’un maximum de 7000 $ à 4000 $. Et puis, vlan ! Le ministre Benoit Charette a annoncé la fin des incitatifs provinciaux dans un claquement de doigts, comme si l’on s’était soudainement réveillé en réalisant que le compte de banque était vide !
Un revirement brutal aux répercussions majeures
Naturellement, on a profité de la démission de la ministre Freeland (hautement médiatisée) pour sortir la nouvelle en douce. Or, cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans l’industrie automobile, et surtout au Québec, alors que les stocks demeuraient très élevés. Considérant les jours fériés, le congé des fêtes et une première semaine de janvier somme toute perdue, puisque les gens n’étaient pas tentés à acheter, il ne restait donc que quelques semaines avant l’abolition « temporaire » des crédits. Temporaire parce que M. Charette a affirmé que la porte serait ouverte au retour des crédits dès avril 2025, tuant ainsi toute possibilité de vendre des VÉ en février et en mars au Québec. Des mois déjà très difficiles dans le monde automobile, ce qu’on n’a évidemment pas pris soin d’étudier.
Aujourd’hui, le gouvernement du Québec a confirmé sur son site Web le retour d’un crédit de 4000 $ pour les VÉ dès le 1er avril, lequel sera réduit à 2000 $ dès janvier 2026. Changera-t-on encore d’idée ? Et qu’en sera-t-il de la gestion de ces fonds publics ? Impossible de répondre, sachant que la CAQ modifie sa position pratiquement chaque mois sur la question. Le ministre Charette a même récemment affirmé qu’on pourrait « adapter » la réglementation québécoise quant à l’objectif d’interdire la vente de véhicules à essence dès 2035, considérant le recul des Américains sur le sujet.
Hélas, Québec n’est pas le seul à avoir mis en furie tout un réseau de concessionnaires et de constructeurs automobiles. Le fédéral a annoncé, le vendredi 10 janvier dernier, qu’il avait l’intention de mettre définitivement un terme aux crédits pour véhicules électriques le 31 mars, ou peut-être avant si les fonds étaient épuisés. Le 13 janvier au matin (le lundi suivant), l’ensemble des concessionnaires canadiens recevaient un mémo indiquant la fin immédiate du programme iVZE. Essentiellement, les 5000 $ de crédit applicable sur les VÉ admissibles n’étaient plus. On apprenait donc, le 1er février, que les véhicules qui jusque-là profitaient encore des 9000 $ de crédits totaux allaient coûter… 9000 $ de plus !
Quel avenir pour les concessionnaires et les stocks de VÉ ?
Il n’a fallu que quelques jours pour que réagissent les constructeurs en y allant de généreuses compensations financières, conscients que des modèles 2024 invendus et impossibles à vendre ailleurs qu’au Québec allaient représenter un sérieux défi. Hyundai et Volkswagen ont ouvert le bal en proposant de généreux rabais. Nissan, Ford et GM suivront quelques jours plus tard. Mais aujourd’hui, le défi est colossal. Non seulement il reste plusieurs centaines de VÉ millésimés 2024 en stock au Québec, mais toutes les commandes de modèles 2025 effectuées il y a plusieurs mois, avant que les gouvernements prennent l’industrie par surprise, débarquent en concession. Clairement, si les commandes étaient à refaire, on agirait autrement. Et puisque personne d’autre au Canada ne voudra une partie de ces inventaires, les concessionnaires du Québec auront tout un défi à relever en février et en mars.
Maintenant, quel sera le soutien des constructeurs ? Comment interviendra-t-on face aux décisions gouvernementales ? Est-ce qu’on acceptera de vendre à perte des électriques qui, dans certains cas, ont jusqu’ici été profitables ? Ou révisera-t-on tout simplement les commandes en fonction d’une demande qui sans aucun doute sera à la baisse ? N’oublions pas qu’au 30 septembre 2024, près de 340 000 VÉ étaient immatriculés au Québec, un chiffre qui a explosé dans les mois qui ont suivi, considérant notamment le succès colossal des Tesla Model Y, Chevrolet Equinox EV et Hyundai Ioniq 5. Or, cette augmentation marquée, c’est du passé. D’abord, plusieurs constructeurs, comme Tesla, haussent leurs prix, n’ayant plus à respecter un quelconque plafond pour rendre leurs véhicules admissibles aux crédits; ensuite, une partie du public déchante à l’idée de se faire flouer en raison des prix constamment en dent de scie.
Mes pensées vont à vous, concessionnaires et décideurs stratégiques, qui devez composer avec les frasques des gouvernements sans pouvoir vous adapter en 48 heures après des décisions aussi soudaines qu’imprévisibles. Les prochains mois seront difficiles. Espérons qu’à la fonte des neiges, vous ne découvrirez pas d’autres véhicules électriques ensevelis au fond de la cour… Partager